HISTORIQUE

L’évolution des soins [du modèle paternaliste d’après-guerre à l’auto-assistance…] est le fruit d’une réflexion progressive, complexe, qui se situe aux interstices de différents domaines comme la médecine, le droit, la science ou encore l’éthique.

Ainsi, des méthodes traditionnelles de la fin du 18ème siècle (à base de purges et de saignées), en passant par la stimulation des émotions ou la découverte des premiers neuroleptiques, jusqu’au paradigme (concept) du rétablissement : la compréhension du fonctionnement psychique s’est progressivement affinée et les rapports « soignant / soigné » ont beaucoup changé.

Évolution au fil du XXème siècle

TIMELIME SANTÉ MENTALE

La psychiatrie a subi des changements profonds depuis la circulaire de 1785 que l’on doit à Colombier [1] et à Doublet, son assistant. Sous l’impulsion de Necker [2], cette circulaire constituera un texte fondateur et définira les asiles comme « lieux de soins ». En effet, dans un contexte révolutionnaire particulier, ce document pose les jalons d’un paradigme nouveau : « l’insensé est un malade susceptible d’être guéri » [3].

Quelques années plus tard, en 1800, après avoir enlevé leurs chaînes aux aliénés à Bicêtre, Pinel décrit le « traité médico-philosophique » et marque la naissance de la psychiatrie « moderne ». Dans ce traité, Pinel propose des méthodes qui stimulent les émotions, à l’opposé des méthodes traditionnelles à base de purges et de saignées ; il prône également la douceur, le raisonnement et l’humanité.

Au début du XX ème Siècle, un patient psychiatrique, Clifford W. Beers stimule l’intérêt public en évoquant la nécessité de faire évoluer le système vers des soins et des traitements plus responsables. Toujours dans la perspective d’un soin plus respectueux de la sensibilité de l’usager mais avec un militantisme affirmé, Rachel Grant-Smith publie en 1922 « Les expériences d’un patient d’asile » et relate les négligences qu’elle a subies. De son côté, le psychiatre italien Franco Basaglia (1924 / 1980), est organisateur de communautés thérapeutiques qui défendent le droit des individus psychiatrisés (notamment, la loi 180 vise l’abolition des hôpitaux psychiatriques).

Plus récemment, dans les années 1970, le mouvement des survivants psychiatriques (Survivors[1]) se déclare aux états-unis ; il s’agit d’une association regroupant des individus avec des parcours psychiatriques singuliers. Souvent, ils étaient utilisateurs des services de santé mentale, victimes de dysfonctionnements du système de soin, ou bien ex-usagers des services de santé mentale. Des chercheurs et des professionnels ont progressivement rejoint le mouvement.

Plus récemment, dans les années 1970, le mouvement des survivants psychiatriques (Survivors [4]) se déclare aux états-unis ; il s’agit d’une association regroupant des individus avec des parcours psychiatriques singuliers. Souvent, ils étaient utilisateurs des services de santé mentale, victimes de dysfonctionnements du système de soin, ou bien ex-usagers des services de santé mentale. Des chercheurs et des professionnels ont progressivement rejoint le mouvement.



De façon assez objective, on constate que depuis l’asile de Pinel et le traitement moral, jusqu’au milieu du XXème siècle, l’hospitalisation en institution psychiatrique est restée l’essentiel de l’offre de soins proposée aux personnes vivant avec des troubles psychiques. 

Peu à peu, la sectorisation psychiatrique, la psychothérapie institutionnelle et d’autres courants progressistes ont contribué à modifier les pratiques soignantes. Cependant, en France en particulier, le soin psychiatrique est resté pendant longtemps majoritairement axé sur la maladie et la symptomatologie. Puis, progressivement l’offre de soin s’est intéressée à l’impact des troubles, à leurs conséquences psychosociales et au handicap qu’ils représentent dans l’accès à la citoyenneté et le devenir des personnes concernées. Notamment, les différents courants en psychologie ainsi que les progrès de la science notamment dans les domaines des sciences cognitives et des neuro-sciences ont favorisé la transformation du système : d’un patient plutôt passif et observant à une véritable implication de la personne concernée dans le processus de soin et de rétablissement.

Pour donner un aperçu de cette évolution nous avons choisi quelques éléments historiques qui ont servi une partie de notre réflexion. Ces éléments ne constituent pas une liste exhaustive des périodes charnières qui ont ponctué le processus d’amélioration des soins proposés aux personnes vivant avec des problématiques psychiques. Il s’agit plutôt de proposer un éclairage sur l’évolution des bonnes pratiques en santé mentale dont le rétablissement fait partie.

En 1790, début du traitement moral : 

Pilippe Pinel repense le sort des « aliénés » et cherche à humaniser le traitement des « fous ». Il préconise alors une nouvelle pratique qu’il nomme « le traitement moral » en 1810, dont les principes sont :- Eviter la violence physique et la contention- Fait appel à la raison morale et logique de l’aliéné contre sa propre folie- Certains surveillants sont des anciens aliénés rétablis- Une forme de bienveillance et la discussion apparaissent pour les aliénés.- Premières formes de soutien par les pairs

Pour Pinel, médecin et psychiatre français, il s’agit de socialiser le « sauvage », et dans cette perspective il propose à J.B PUSSIN, ancien patient atteint de tuberculose de devenir surveillant de l’asile de Bicêtre. Il seconde alors le Dr Philippe PINEL dans certaines tâches.

Celui-ci joue un rôle dans l’amélioration du sort des aliénés.

Milieu du XIX , Naissance du concept du rétablissement 

Le concept de recovery est apparu au milieu du xixe siècle aux États-Unis dans le cadre de petits groupes d’anciens buveurs qui se réunissaient pour se soutenir dans leur démarche d’abstinence. Ces groupes d’origine protestante sont appelés les recovery circles.

Pour en savoir plus…

Les participants à ces groupes se considéraient en effet « en rétablissement » aussi longtemps qu’ils faisaient des efforts pour maintenir leur abstinence et retrouver un sens positif à leur vie.

En 1935 : la création des groupes alcooliques anonymes (AA) : 

Née aux Etats Unis dans l’OHIO, cette association est le résultat de la rencontre entre deux malades alcooliques, Bill Wilson et Bob.H. Smith.

Bill Wilson
Co-fondateur des Alcooliques anonymes en 1935

Les Alcooliques Anonymes sont une association d’hommes et de femmes qui partagent entre eux leur expérience, leur force et leur espoir dans le but de résoudre leur problème commun et d’aider d’autres alcooliques à se rétablir

Bill Wilson est co-fondateur des A.A. Il est né en 1895. Courtier de New York, il rencontre en 1935 un chirurgien de l’Ohio, Bob H. Smith qui avait été comme lui un ivrogne « sans espoir« . Ensemble ils fondent le mouvement des Alcooliques Anonymes parce qu’ils souhaitent aider d’autres personnes souffrant de la maladie alcoolique tout en demeurant abstinents eux-mêmes. AA grandit par la formation de groupes autonomes, d’abord aux États-Unis, ensuite dans le monde entier.

Le mot « recovery », a été traduit de l’anglais par « Rétablissement ». Ce mot issu des recovery circles est repris par les A.A et définiit un processus d’engagement personnel vers le mieux-être.

Les années 1950 aux états-unis « Mouvement des droits civiques aux États-Unis »

L’expression « Mouvement des droits civiques aux États-Unis » (civil rights movement) désigne la période durant laquelle les communautés discriminées vont revendiquer leurs droits. On y trouve principalement la lutte des Noirs américains pour l’obtention du droit de vote et l’American Indian Movement, le Black Panther Party, le Black Feminism, la Gay Liberation et d’autres groupes qui permettront l’évolution vers une société plus inclusive. 

En 1955 Le terme « lutte pour les droits civiques » fait son apparition avec le boycott des bus de Montgomery, en Alabama (ou les Noirs demandaient à avoir accès aux mêmes places assises que les Blancs). Ces revendications se termineront avec le Civil Rights Act, loi de 1964 qui interdit toute forme de discrimination dans les lieux publics.

En 1970 l’émergence d’un mouvement d’usagers de la psychiatrie : Le mouvement du rétablissement (recovery movment) s’inscrit dans la suite de la revendication des droits civiques par les afro américains et les homosexuels. 

Les « survivors de la psychiatrie » se révoltent alors contre les conditions d’hospitalisation et les traitements réservés aux personnes en difficulté psychique. 

Années 1980, l’empowerment aux États-Unis

À la fin des années 1980, Judi Chamberlin qui se définit comme « usager/survivant » de la psychiatrie lance un appel à ses pairs pour qu’ils se rassemblent et parlent d’une seule voix [1]. Elle revendique également des systèmes d’accompagnement plus proches des besoins des usagers et la reconnaissance de l’apport de l’entraide mutuelle. Derrière l’idée d’empowerment, c’est un combat politique qui est alors mené pour la réappropriation du pouvoir « par et pour » les usagers. Il s’agit également de mettre à bas les vieux clichés dans lesquels ils se sentent enfermés dans une logique de dépendance, d’invalidité ou de chronicité.

L’espoir est au centre de cette dynamique qui ne met volontairement pas l’accent sur les symptômes mais sur la possibilité de retrouver un sens à sa vie, malgré la maladie. Les usagers ne veulent plus que l’on parle à leur place et le font savoir. Un important réseau de santé communautaire géré par les usagers eux-mêmes s’organise alors dans la région de Boston en marge des systèmes de soin.

1990 : Une des porte-parole emblématiques du « recovery movment », Patricia DEAGEN, facilite l’intégration de la notion de rétablissement dans les textes de loi qui vont déterminer la refonte du système de soin en psychiatrie.

1996

Patricia Deegan

Dans des écrits qui portent sur le courant du rétablissement, Patricia Deegan montre qu’apparaissent régulièrement des mots tendances « politiquement correct » en santé mentale. Elle fait remarquer qu’à intervalles réguliers de noms nouveaux sont donnés aux pratiques thérapeutiques mais elle déplore que les transformations de fond, que ces changements sont censés permettre, restent des transformations de façade. En effet, les pratiques qui nuisent aux patients ne changent pas (Deegan 1996). 

Elle s’investit alors dans un combat qui aura pour objet d’éviter au rétablissement de tomber dans une manœuvre sémantique instrumentalisée : L’utilisation du concept de rétablissement doit être réservé à la description d’un processus qui appartient aux personnes, alors que ce que mettraient en place les soignants pour les épauler s’appellerait Réhabilitation psychiatrique. 

Cette distinction avait déjà été faite par une autorité reconnue en cette matière (Anthony,1991 dans Anthony et al. 2004. Malgré ces alertes, le rétablissement est devenu à son tour un de ces mots valise qui sous leur sens commun peuvent passer en contrebande une signification contraire (Birh, 2007). Ce statut de caméléon sémantique 

mine à l’avance la critique de ce que nous appellerons, faute de pouvoir lui accorder un statut théorique précis, le «courant» du rétablissement. S’élever contre celui-ci équivaudrait aujourd’hui à appuyer le vieux dogme d’incurabilité de la maladie mentale et à alimenter a la stigmatisation sociale qui lui est directement associée.

Dans les années 2000 : le rétablissement devient un modèle de soin de santé mentale dans les pays anglo-saxon.

2006 : les premiers pairs aidants en France en psychiatrie.

2012 : Premier programme Médiateur de santé pair lancé par le CCOMS (Centre Collaborateur de l’Organisation Mondiale de la Santé) de Lille. 

2012 à 2017 : Différentes expérimentations et des pratiques orientées rétablissement :- 1 chez soi d’abord- Working first – Lieu de répit- Réhabilitation psychosociale- MARSS (Mouvement d’Action pour le Rétablissement Sanitaire et Sociale)- Ulice (gestion de crise)- Les médiateurs de santé – COFOR (Centre de formation pour le rétablissement)

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