QU’EST-CE QUE LE RÉTABLISSEMENT ?

En France le rétablissement en santé mentale est un concept, émergeant dans le système psychiatrique depuis 2012, qui essaime progressivement dans les établissements médico-sociaux, dans le secteur social, et celui de l’insertion. Il s’agit d’un processus individuel mais aussi collectif, au long cours. Au niveau individuel et personnel le processus consiste en l’amélioration de sa qualité de vie et l’augmentation de son pouvoir d’agir, en surmontant les conséquences des problématiques de santé ainsi que leurs répercussions psychosociales. Le rétablissement est généralement abordé par une valorisation des compétences, en partant des envies et des aspirations. Au niveau collectif, le concept de rétablissement s’apparente aux bonnes pratiques en santé mentale récemment promues par les agences régionales de santé comme une voie possible d’évolution des soins psychiatriques, dans la cadre du projet de modernisation de notre système de santé. Son opérationnalisation repose sur des systèmes organisationnels horizontaux qui impliquent de profonds changements de croyances et de postures, ainsi qu’une mutation des institutions.

Le rétablissement est donc à la fois un cheminement personnel, et une posture thérapeutique. Chaque usager des services de santé mentale peut devenir acteur de son parcours de santé si on lui en donne les moyens. Réciproquement, les professionnels de santé deviennent acteurs de l’évolution de leurs pratiques en favorisant la participation des usagers.

RÉTABLISSEMENT = GUÉRISON ?

Au niveau individuel, le processus de rétablissement en santé mentale peut s’apparenter à la guérison (terme utilisé pour définir la disparition totale des symptômes d’une maladie ou des conséquences d’une blessure, avec retour à l’état de santé antérieur), mais les maladies mentales sont complexes. De nombreux déterminants (génétiques, sociaux, etc.) sont admis comme facteurs déclencheurs des maladies mentales, mais les progrès de la science et de la recherche n’apportent que peu de certitudes quant à l’évolution des troubles. Finalement, puisqu’il est compliqué d’identifier les origines exactes de la maladie, la psychiatrie rencontre également des difficultés à considérer qu’un malade puisse être guéri. Ainsi, le terme « guérison » n’est pas encore admis dans cette spécialité médicale et on lui préfère les notions de « stabilisation », de « rémission » ou de « rémission symptomatique ».

Lorsque l’on parle de « rétablissement » on fait référence à l’évolution de l’état de santé psychique d’une personne sur les plans psychiatrique (manifestation des symptômes positifs et négatifs de la maladie mentale) et somatique (état physique général, douleurs musculaires, sommeil, etc.) d’une part ; d’autre part on tient compte de son comportement, de sa santé psychologique (fonctionnement cognitif, estime de soi, etc.) ainsi que du niveau subjectif de bien être ressenti par cette personne. Dans le processus de rétablissement, la qualité des relations interpersonnelles et de l’inclusion sociale joue souvent un rôle important et la stabilisation clinique sera de préférence recherchée en association avec une dimension sociale équilibrée.

Ainsi, la guérison et le rétablissement ne recouvrent pas exactement les mêmes paramètres et il s’agit de 2 notions distinctes.

DÉFINITION SIMPLE :

Au niveau individuel, voici une définition simple de Shery Mead et Mary Ellen Copeland :

« L’objectif ultime de l’expérience de rétablissement n’est pas nécessairement de retrouver la santé en terme de rémission de symptômes. Il s’agit plutôt pour une personne, de parvenir à l’utilisation optimale de ses ressources personnelles et environnementales afin d’atteindre un état de bien être et d’équilibre dans les conditions de vie qu’elle même aura choisies ».

Il est possible que vous trouviez de nombreuses définitions du rétablissement puisqu’il s’agit d’un processus personnel. Chaque personne peut donc construire la définition du rétablissement qui lui convient, en fonction de ses objectifs personnels et de ses projets, en terme d’amélioration de sa qualité de vie. Pour simplifier, le rétablissement consiste principalement en l’émergence et la valorisation du « pouvoir d’agir ».

GÉNÉRALITÉS

Le concept du rétablissement peut être élargi au-delà des questions de santé et dépasse le cadre spécifique de la maladie mentale. La définition de la santé par l’Organisation mondiale de la santé, qui n’a pas changé depuis 1946, est la suivante : « La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ». Le rétablissement en santé mentale consiste à améliorer sa santé et son bien-être et repose par conséquent sur l’élévation du niveau de qualité de vie, intimement corrélée à la situation sociale. Ainsi le rétablissement implique d’importants mécanismes de valorisation sociale et individuelle. Patricia Deagan : usagère du système de soin, docteur en psychologie et porteuse du recovery movment aux États-Unis dans les années 1990, définit le rétablissement comme suit : « J’utilise le terme rétablissement non seulement en référence au processus par lequel on se remet d’une maladie mentale mais aussi à celui par lequel on se remet des effets de la pauvreté des effets d’être un citoyen de seconde zone, de la stigmatisation intériorisée, des mauvais traitements et des traumas subits de ces professionnels qui sont là pour vous aider et des effets destructeurs pour l’esprit du système de la santé mentale ».


LES DIMENSIONS DU CONCEPT DE RÉTABLISSEMENT

Quand on parle de « recovery », c’est-à-dire de « rétablissement », il s’agit d’embrasser 4 notions distinctes et interdépendantes :

  1. L’histoire du rétablissement aux Etats-Unis, à la suite du mouvement de revendication des droits sociaux américains, dont les « survivors » de la psychiatrie sont les plus illustres représentants,
  2. Le rétablissement en tant que processus vers un mieux-être (empowerment),
  3. Les outils du rétablissement : le WRAP (ou, plan d’action et de bien-être), les groupes auto-support, le plan de rétablissement, l’approche par les forces, l’open dialogue, etc. Il existe d’autres outils, organisationnels cette fois, favorisant l’émergence et l’épanouissement de la pair aidance, comme le management participatif ou l’horizontalité de la relation d’aide,
  4. Les lieux ou dispositif où les bonnes pratiques (terme qui fait référence à des pratiques évaluées et éprouvées) en santé mentale sont expérimentées et dont on parle comme des dispositifs orienté vers le rétablissement (recovery oriented). Il s’agit de lieux d’accueil et de soutien où l’on croit au rétablissement des personnes, où il est pratiqué, outillé et encouragé.

LE PARCOURS DE RÉTABLISSEMENT

Il s’agit d’identifier et d’exploiter les forces et les compétences que l’on possède, avec une envie de changement, une réflexion sur soi-même afin de s’éloigner progressivement de la psychiatrie et du rôle de « malade » ou « d’usager ».

Le rétablissement consiste également à endosser un rôle citoyen à part entière, avec des rêves et des aspirations, pour atteindre un but. Pour réaliser ses objectifs, il s’agit de se remettre en question et de prendre des décisions dans une perspective d’évolution et de progrès. Pour la personne en rétablissement il est nécessaire de sortir de sa zone de confort et d’accepter, dans une certaine mesure, de « prendre des risques » et d’en assumer les conséquences. Ainsi, pour aider quelqu’un à améliorer sa qualité de vie, il est donc primordial de la soutenir également dans l’acceptation de sa maladie et/ou des problèmes qu’elle rencontre. Par ailleurs, le niveau d’ insight de la personne est essentiel : mieux elle connait son mode de fonctionnement et plus la probabilité qu’elle se rétablisse est élevée.

Dans les pratiques orientées rétablissement, la personne définira elle-même ses objectifs et les étapes qui lui permettront d’avancer : il s’agit donc de favoriser l’autodétermination. Nous avons donc un rôle important à jouer concernant les questions de stigmatisation et d’auto-stigmatisation, souvent plus handicapantes que la maladie.  Il est essentiel de l’aider à prendre de la distance quant aux représentations négatives de la malade et du diagnostic.

Le travail consistant à ouvrir le champ des « possibles », le plaidoyer fait parti de nos missions quotidiennes :

  • Nous luttons contre la formation des stéréotypes et des préjugés à l’égard des troubles psychiques.
  • Nous tentons de limiter la circulation des idées fausses concernant les personnes touchées par les pathologies psychiatriques (dangerosité, délires incohérents, etc.).
  • Nous cherchons à réduire les effets iatrogènes du système de santé, de l’hospitalisation prolongée ou de traitements inadaptés. On considère comme « iatrogènes » les conséquences indésirables ou négatives des traitements sur l’état de santé d’un individu.

Ainsi en tant que médiateurs de santé nous avons un rôle majeur dans le soutien inconditionnel que nous apportons aux personnes en rétablissement : il s’agit précisément de la pair aidance.

Il est bon de rappeler que le rétablissement n’est pas figé. Il s’agit d’un processus, dynamique, au long cours, en mouvement permanent. Le trouble de la santé mentale affecte généralement l’ensemble des domaines de la vie affective, professionnelle, sentimentale, relationnelle, etc. La confiance et l’estime de soi sont fortement affectées et il est admis que pour se rétablir, cinq grandes étapes symboliques sont à franchir. En réalité, l’humeur est fluctuante et le rétablissement, progressif. Le sentiment d’empowerment (pouvoir d’agir) oscille, tout au long du parcours, entre ces différentes étapes qui sont caractéristiques de l’impact des troubles, de leur conséquences et de leur évolution.

Par exemple : une personne peut passer du choc au déni de la maladie, puis du déni à l’acceptation… et finir par se laisser submerger par ses émotions et refuser d’affronter les difficultés rencontrées.

Cependant, dans une perspective de rétablissement, l’acceptation objective des problématiques et des difficultés rencontrées constitue un socle nécessaire. Une fois ce stade dépassé, le travail sur les conséquences des problèmes de santé et les solutions envisageables deviennent prioritaires.

“ C’est une démarche personnelle et unique visant à changer l’attitude, les valeurs, les sentiments, les objectifs, les capacités et les rôles de chacun. C’est la façon de vivre une vie satisfaisante et utile où l’espoir à sa place malgré les limites imposées par les problèmes de santé. Pour aller mieux, il s’agit de donner un nouveau sens à sa vie et passer outre aux effets dévastateurs des problématiques de santé mentale”

William Anthony

HISTORIQUE

HISTORIQUE INTERNATIONAL

Le paradigme du rétablissement tel qu’il existe aujourd’hui est issu d’un mouvement social qui remonte au début des années 1970. On compte les revendications des afro-américains pour leurs droits civiques, le militantisme des homosexuels, la résistance des indiens des réserves, puis dans un second temps des regroupements de personnes concernées par les problématiques de santé mentale.

Au début du vingtième siècle la création de l’association des alcooliques anonymes (AA), premier groupe d’auto-support reconnu par les autorités sanitaires, permettra une première appréciation des bénéfices de la par aidance sur les plans sanitaire et social et donnera une dimension plus concrète au concept de « rétablissement » (se « rétablir », et surmonter les problèmes d’addiction et de ses conséquences psycho-sociale).

En 1990, avec l’épidémie du SIDA on assiste à l’apparition de la pair aidance professionnelle, mais aussi à la reconnaissance et au développement du savoir expérientiel. 

Quelques années plus tard les politiques de réduction des risques se développent un peu partout dans le monde. En France, la création des commissions régionales de lutte contre le sida répond à l’aspiration de démocratie sanitaire. C’est à cette époque que le mouvement des usagers prend une dimension mondiale et dans les années 2000, le rétablissement est considéré comme le modèle de soin de santé mentale aux Etats Unis.

HISTORIQUE NATIONAL

1990 : En France, l’épidémie du SIDA concerne majoritairement des groupes minoritaires (les gais, les migrants originaires d’Afrique, les usagers de drogues). C’est à cette époque que les politiques de réduction des risques (RDR) se mettent en place sur le territoire, notamment avec l’apparition d’ASUD (association d’auto-support des usagers de drogues). L’objectif de cette politique RDR étant de limiter la contamination, d’informer les populations à risque et d’encourager le développement de groupes auto-support. Cette période est propice à l’intervention des pairs aidants, concernés par la maladie du VIH, experts de l’utilisation des traitements et de leurs effets secondaires et spécialistes des conduites à risques ainsi que des stratégies de prévention.

La loi 2002 met l’accent sur les droits des usagers : Son objectif est de promouvoir et d’affirmer les droits des usagers, diversifier les types d’établissements et les modes d’accueil pour mieux s’adapter aux besoins, et respecter la dignité de la personne.

La loi 2005 : la reconnaissance du handicap psychique et des groupe d’entraide mutuel (GEM), «  pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées ».

2007 : Apparition des 1ers médiateurs de santé pairs en psychiatrie au sein d’une équipe faisant des maraudes dans les rues de Marseille.

2011 : Création du dispositif « un chez soi d’abord ». L’objectif est de proposer un accompagnement à des personnes en situation de grande précarité, vivant à la rue avec un trouble psychiatrique sévère vers un logement dans la cité (Marseille, Toulouse, Paris, Lille).

2012 : création du programme « médiateur de santé/pair » par le CCOMS (centre de collaboration pour l’organisation mondiale de la santé) et l’EPSM de Lille. Il s’agit du premier programme de recrutement et de formation de médiateurs de santé au sein des établissements de santé publics.

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